Créer le lien entre les gens et les lieux

Curieux de tout et sensible depuis toujours aux expressions culturelles, j’ai développé un parcours à la fois tourné vers le patrimoine, l’art ancien ou contemporain et le spectacle vivant. Bien plus qu’un amour des « vieilles pierres » (je n’aime pas cette expression), l’attachement aux patrimoines est pour moi la première étape dans la création d’un lien entre une personne et le territoire dans lequel elle se situe. Mon terrain de jeu est la Vendée, la Bretagne, l’Anjou, les Charentes ou encore le Poitou. Malgré mes liens avec l’ouest, c’est une curiosité permanente qui me nourrit quel que soit l’endroit. De même manière que l’expression artistique, le partage autour de l’héritage architectural est essentiel pour rendre le quotidien moins rude et pour donner des clefs d’appropriation à chacun.

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My life in heritage

J’avais 14 ans quand j’ai fait ma première visite guidée, c’était la suite d’un investissement personnel qui a débuté quelques années avant avec des recherches en archives sur mon temps libre. Un artiste que j’aime beaucoup, Nicolas Schöffer, disait « Expliquer, c'est impliquer soi-même et les autres. » Cette phrase est importante puisqu’elle résume la démarche que j’essaye d’appliquer ; créer un lien et donner au public la possibilité de s’approprier personnellement le sujet. Une visite est avant tout un moment d’échange dont la finalité est l’émotion ressentie par rapport au lieu. Qu’importe si le visiteur aime ou n’aime pas, ce qui compte c’est qu’il ne soit pas ressorti indifférent. Pour autant, je ne peux pas résumer mon parcours simplement aux visites guidées. J’ai l’habitude de mener des conférences, de faire des recherches, d’occuper des missions d’accueil du public ou encore de travailler dans le domaine du spectacle. L’engagement associatif est également important, auprès des chiens guides d’aveugles par exemple.

La recherche, par laquelle je remplis mon temps libre, est centrée sur des sujets tels l’art dans l’espace public, le patrimoine ancien, l’urbanisme, etc. Ces dernières années, cela m’a mené à écrire pour Ouest-France, publier un plan-guide sur l’art public à La Roche-sur-Yon, rencontrer des artistes et parfois faciliter leur imprégnation dans le territoire, etc. La concrétisation tend à s’accentuer avec en 2018 et 2019 la diffusion de l’émission Des Racines et Des Ailes consacrée à la Vendée, et pour laquelle on m’a donné la possibilité de proposer à l’équipe de production des sujets peu connus ou peu représentés (le patrimoine de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte par exemple). Cela est important puisque c’est un moyen de toucher davantage de public et de porter des territoires intéressants. Il y a quelques mois, j’ai commencé à faire des chroniques patrimoniales sur la radio RCF. Cela me permet de valoriser des éléments que l’on ne voit pas toujours tels l’usine-étoile de Fontenay-le-Comte ou l’histoire des reconstructions de l’église de Chambretaud. Tous ces passages médiatiques sont bénévoles mais nécessaires pour toucher le public qui ne se déplacerait pas spontanément.

Une visite est avant tout un moment d’échange dont la finalité est l’émotion ressentie par rapport au lieu.

La médiation culturelle passe surtout par la mise en place de dispositifs adaptés à tous les publics. Ainsi, dans la suite de mes engagements associatifs et de mes recherches, il m’a semblé important de proposer à des associations des visites descriptives et tactiles des œuvres d’art dans l’espace public pour des personnes atteintes de handicaps visuels. C’est une démarche que j’ai testé dans l’espace urbain mais également à l’intérieur des monuments avec des objets peu fragiles, matériaux rapportés, etc. Il est intéressant de remarquer que les déficients visuels perçoivent souvent bien mieux les éléments culturels que les visiteurs voyant parfaitement. Toujours dans le patrimoine et l’art, je suis heureux d’avoir contribué à lancer quelques programmes de restauration et de valorisation. Outre la médiation, l’écriture occupe également une part importante de mon temps libre. Je viens de terminer un ouvrage historique, j’en commence un autre ainsi qu’un roman (qui ne sera pas historique).

Au Château de Terre-Neuve, où je viens de terminer ma seconde saison, mes missions se sont inscrites dans le processus de reprise du monument par Guillaume du Fontenioux, descendant de Claude Tendron de Vassé qui a acheté le château en 1805. Cette reprise du monument fait suite à plusieurs décennies de travail sur l’adaptation d’un patrimoine historique aux besoins touristiques. La génération précédente ayant largement transformé le site et assuré sa préservation, la tâche d’aujourd’hui peut être davantage tournée vers le développement des possibilités culturelles. Ainsi, un musée du château a été créé en 2018 ainsi que deux pièces qui permettent de présenter le mobilier et l’esprit du bureau et de la chambre d’Octave de Rochebrune, artiste propriétaire du château au XIXe siècle. L’année 2019 a été marquée par la mise en place de vidéos pour valoriser le patrimoine du château mais également par une importante phase de restauration de la cuisine, ce qui permet désormais de l’ouvrir au public. Ainsi, toutes les pièces historiques du château sont ouvertes aux visiteurs. Terre-Neuve n’est pas un musée, le château est habité par la famille propriétaire et les pièces que le public voit sont régulièrement utilisées. Je dois dire que boire un verre avec d’autres guides dans le petit salon c’est quelque chose de très agréable.

Tous ces passages médiatiques sont bénévoles mais nécessaires pour toucher le public qui ne se déplacerait pas spontanément.

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patrimoine includes modern architecture
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at chateau de terre-neuve
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exploring urban Vendée

Il est nécessaire de renouveler l’offre puisque chaque monument, qu’il soit public comme privé, a besoin des visiteurs pour vivre et être transmis dans les meilleures conditions. Au château de Terre-Neuve, le chantier initié en 2017 a permis de remettre l’histoire du château et le parcours d’Octave de Rochebrune, artiste et propriétaire de Terre-Neuve au XIXe siècle, au centre de la visite. Il était important également d’associer les enfants avec un livret jeu en français et en anglais qui connaît un joli succès. Le travail est loin d’être terminé, chaque génération qui arrive doit relever de nouveaux défis ! Ce qui est fait depuis quelques années est le fruit en premier lieu d’un engagement collectif et bénévole des propriétaires et leurs amis. En 2018, pour la première année d’ouverture selon la nouvelle formule, mon rôle de saisonnier a été de réaliser le contenu scientifique du musée, de réécrire la trame de visite guidée, etc.

Mon travail s’est poursuivi dans la même idée en 2019. Il était important de faire comprendre le rôle majeur d’Octave de Rochebrune qui, au XIXe siècle, était l’un des rares à mesurer l’importance de la préservation du patrimoine. C’est ce goût de la valorisation du patrimoine que nous mettons en avant à Terre-Neuve, en invitant également les visiteurs à découvrir la vieille ville de Fontenay ainsi que son musée. En transformant Terre-Neuve, Octave de Rochebrune en a fait un lieu de collecte de quelques éléments qui auraient pu être détruits. Des décors du château de Coulonges-sur-l’Autise (qui était alors largement démembré sous la forme d’une carrière de pierre) et des boiseries du château de Chambord (démontées au XVIIIe siècle et envoyées dans les greniers) ont été sauvés à Terre-Neuve. Ce qui a été déplacé est essentiel aujourd’hui pour connaître l’état antérieur des monuments concernés mais ce n’est que peu de choses par rapport à la quantité des destructions. Des exemples similaires il y en a partout en France, cette action patrimoniale du XIXe siècle a une importance réelle. À cela il faut ajouter de nombreuses restaurations de monuments fontenaisiens par Octave de Rochebrune, la construction de la fontaine de Charzais, des gravures représentant le patrimoine de plusieurs régions françaises, etc.

Le travail est loin d’être terminé, chaque génération qui arrive doit
relever de nouveaux défis !

Le travail dans un monument n’est pas de tout repos, je l’expérimente maintenant depuis de nombreuses années et ma passion est toujours aussi intacte. Dans un lieu patrimonial, il faut à la fois assurer la mise en valeur culturelle mais également gérer des problèmes techniques qui peuvent survenir à n’importe quel moment. J’ai l’avantage de savoir bricoler, c’est franchement très utile ! Pour moi, défendre le patrimoine, l’art dans l’espace public ou le spectacle vivant c’est comme un sport de combat. Il n’est pas utile de foncer, il faut simplement faire preuve de patience et de persévérance.

Cordiallement,
William Chevillon
Images par Alexandre Vuillaume, André Picquenot et Anaëlle Tessier
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